Soin.s, mort.s, rituel.s, Marine Prunier a pu définir ainsi son propos. Prendre soin (prendre ? ainsi dit la langue), cette aspiration faite exigence, d'abord au chevet de la planète, ou à l'endroit des plus démunis, ou des opprimés, ici l'artiste l'adapte, la déplace. Elle garde l'idée de don, le souci, l'éthique – le mot care peut sembler multi-référentiel, idéologiquement marqué, et quelque peu novlangue, nous lui préférons sollicitude. Le souci des autres, l'attention, l'entretien de la relation, Marine Prunier les investit au sujet du deuil, de la réconciliation avec l'idée de notre finitude, et aussi du lien avec les disparus qui supposait jadis une créativité rituelle.
On peut imaginer que des circonstances biographiques l'aient conduite vers ce sujet, mais son questionnement pointe aussi implicitement, dans la sphère des pratiques sociales, la disparition contemporaine de l'accompagnement, de tout un pan de l'imaginaire qui donnait sens à la mort et consolait les vivants. La sociologie a justement considéré que le tabou du sexe ayant volé en éclat, un tabou de la mort l'avait remplacé. Nous sommes loin du grand art médiéval de mourir. Il y aurait alors comme un espace, une friche, un temps à reprendre sur l'abandon, sur le déni. Puissions-nous reprendre langue avec les défunts ?
Si la performeuse a souhaité un moment s'initier aux métiers, se former à la thanatopraxie et devenir maître de cérémonie funéraire (à l'époque de la pandémie, dans un métier dit essentiel !), acceptant pour un temps le statut de prestataire de services, si elle se lie à des groupes qui cherchent des conduites funéraires inédites ou des rites de passage accordés au présent, si elle s'interroge sur de nouveaux espaces de repos et de deuil, sa démarche reste de nature artistique et sensible, à sa manière expérimentale. Cherche-t-elle à acquérir l'expertise du passeur, censé maîtriser la carte du voyage, et diriger la barque, elle n'en dira rien, elle s'en tiendra à l'empathie de l'hospitalité, souhaitant se fondre dans la communauté des vivants.
Extraits d’un texte de Gérard Laplace
(mai 2023)
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