On se détaille toute la charge
Sel, 180cm / 110 cm / 15cm, et cercle d’objets


C’est une installation à intervention qui parle de laisser. Et de toutes les charges que l’on a, qu’on laisse, qu'on ne voit pas, qu'on perd, qui nous traversent ou qu'on cristallise. « On se détaille toute la charge » est aussi un geste (plus qu'une performance) de quelques minutes, où je viens, trempée, m’allonger sur la dalle de sel pour laisser une trace. Formellement, je reste dans une planéité mortuaire.

Cette oeuvre a été présentée en juin et juillet 2023, dans le cadre de l’exposition collective « Le pollen de nos os » de la curatrice Joséphine Wagnier, à la galerie Montoro12 à Bruxelles.


Extraits textes de Joséphine Wagnier accompagnant l’exposition :

« Au-delà de l’exposition, qui peut être considérée en une forme de commémoration de la collaboration
entre tous les atomes qui lui ont donné naissance, il y a en ces murs sa propre existence. Elle permet
un espace insulaire révélant les intérêts communs ou intensificateurs à travers chaque composant.
Les vibrations terrestres du rez-de-chaussée, situé entre les parallèles des rails de l’Avenue Van
Volxem, permettent lors de courts instants un frémissement et un déplacement lent de nombreuses
particules. Ce qui est disposé à même cette carnation rougeâtre tente de se diriger vers sa
membrane qu’illustrent les rigoles grises. Les œuvres textiles de Julia Ben Moussa absorbent et
renvoient les déplacements vers les autres unités. Elles sont comme des supports convalescents sur
lesquels nous pouvons nous attarder avant de reprendre la déambulation dans l’espace d’exposition.

Le sel de la terre désigne une personne estimée et précieuse, qui apporte du goût et de la valeur à la
vie des autres. L’installation de Marine Prunier évoque ce besoin de cristallisation et ses propriétés
protectrices pour un corps qu’on souhaite continuer d’alimenter. Cette longue dale fait étinceler une
nourriture et la conserve en s’infiltrant dans son organisme pour lui permettre un repos. L’exposition
est propice à la culture de nombreux fantômes, ici est instauré un cadre de paix entre les corps et les
esprits. S'ensuit alors une sensation de mouvement. Un certain souffle se promène. Les gestes de
Nine Perris précisent ce subtil contraste entre des architectures sédentaires et un besoin nomade.
Les sculptures tendent à se déplacer d’espace en espace, elles s’adaptent à leur nouvel
environnement maintes fois. Une plus particulièrement pèlerine, arrivera en l’espace avec un temps
différé.

Sous leur apparence imperturbable, nous sommes égaux à ce sort ; les massifs imposants des
montagnes, bien qu’elles semblent éternelles, sont aussi sujets à la fragilité et à l'éphémérité. Elles
sont dans nos imaginaires culturelles de hautes marches permettant l’élévation vers les cieux, et non
pas un symbole de transformation lente amenée par l’érosion qui les transformera en un caillou de
poche ou un grain de plage. Sabina Sardalova nous déballe sa liaison intime avec ces masses
rocheuses et leur entassement. Tout cela participe à une existence commune.


Marine Prunier
maîtresse de cérémonie et artiste chercheuse (vit et travaille à Paris)

Un retour à la célébration des passages ou encore à la poétique des éléments, c’est ce que Marine Prunier dispose. Une voie qu’aucun·e de nous, nous les vivant·e·s, n’échappe. Avec des gestes tout en clairvoyance, le “nôtre” elle le questionne et l’expose. Au sein d’installations intimes et lors de longues performances, Marine Prunier livre le manquement culturel d’un instinct funéraire en renforçant le lien entre art et deuil. Plutôt que de couper le fil de la vie en deux et d’en distinguer un court morceau à une fin, elle le consolide pour recentrer la continuité de la vie au travers le monde des morts. Par des protocoles cérémoniaux, un rappel est effectué et désacralise l’idée que la mort est une fin en soi. Les cycles d’existence ne se limitent pas à ce qui n’est pas éteint, et par cette ouverture Marine Prunier permet d’instaurer des espaces de discussions et de recherches.


Images : Joséphine Wagnier, Stefan Pollak, Marine Prunier